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Agir Ensemble

Témoignage retour de Roumanie

6 Septembre 2018 , Rédigé par Yves Publié dans #TEMOIGNAGES

TEMOIGNAGE

Visites en Roumanie

Hameau Roms perdu au milieu de nul part

 

 

Vous vous souvenez peut être de ce groupe d’une dizaine de familles Rroms Roumaines qui dormaient sous tentes à Saint Etienne ?

Oui, celles là même qui se sont retrouvées devant le tribunal en Juin 2018 pour avoir tenté d’ouvrir un lieu pour se mettre à l’abri, au début de l’hiver. (Pour info, le tribunal a prononcé la relaxe.)

 

Cet été avec Yves, mon mari, nous sommes passés les saluer en Roumanie, puisque la plupart étaient reparties suite à l’audience.

Les familles en question vivent dans des villages voisins d’une trentaine de kilomètres environ, dans le département de Bihor, à l’ouest de la Roumanie.

 

Nous avons pensé témoigner de leurs conditions de vie car dans le cadre de nos activités bénévoles d’accompagnement à la scolarité principalement, la question nous est souvent posée.

Ce témoignage est très personnel et un peu long.

Il évoque également la question de la responsabilité collective à accueillir dignement ces familles.

 

 

GEPIS

 

 

Nous connaissions déjà ce village pour y être passés il y a deux ans. Nous en avons donc retrouvé facilement le chemin. Nous y connaissons pas mal de monde puisque un grand nombre de ces familles sont arrivées à Saint Etienne autour de 2010. Certaines ont pu bénéficier de l’accompagnement dans le cadre de projets ( état et/ou associatifs)

Gepis un petit village de campagne Roumain. Le hameau rroms est à l’écart, sans être trop excentré. La route est goudronnée depuis 2 ans, les familles ont l’électricité et la mairie vient d’installer l’eau avec un robinet dans les cours des maisons.

La plupart des familles sont parties à l’étranger ( France, Irlande, Hongrie, Écosse, Italie…) pour trouver de quoi mieux vivre.

Là bas, les messieurs travaillent parfois chez des paysans ou artisans voisins. Ils sont payés à la journée et/ou en nourriture. Certains cueillent et vendent des champignons dans la forêt toute proche, l’occasion aussi de trouver du bois mort pour se chauffer et cuisiner.

A l’entrée du hameau, un groupe religieux d’origine étrangère qui a construit un bâtiment. Ils accueillent les enfants des familles qui le souhaitent en dehors des temps d’école. Ils proposent de quoi manger et aident les familles en grande précarité, notamment ceux qui n’ont jamais quitté le village.

Malgré la pauvreté très visible, elle ne nous a pas prise à la gorge. En effet, nous avons pu échanger avec de nombreuses connaissances, (je parle le Roumain courant) voir que la plupart des familles ont des maisons en dur avec l’envie de les rénover, les agrandir…. même si malheureusement tout ne monde ne s’en sort pas aussi bien…

 

C’est en voulant saluer une jeune femme, sans laquelle les rues de Saint Etienne ne seraient pas les mêmes, que sa mère nous a appris qu’elle vivait dans le village de son mari.

Nous voilà donc parti pour Cosdeni, à quelques kilomètres.

 

 

 

 

COSDENI

 

 

La visite dans ce très petit hameau oublié de Cosdeni sera courte car très éprouvante émotionnellement pour nous!

 

Après avoir traversé tout le village, demandé aux passants qui nous ont indiqué d’emprunter une piste en terre pleine de trous et de bosses, nous arrivons presque au bout du monde… Nous nous apprêtons à faire demi tour lorsque nous apercevons des têtes d’enfants avec un air familier traînant dans un pré… Et oui, se sont bien eux, nos affreux loulous de Sainté tout étonnés de nous voir là bas !

 

Ils nous conduisent jusqu’à chez eux, mais leurs parents ne sont pas là. Ils sont partis avec des cousins accompagnés leur fillette aux urgences en ville car elle venait de se faire renverser par une voiture, qui avait pris la fuite. Tout le monde est inquiet pour la petite, l’ambiance est pesante.

Pourquoi le chauffeur ne s’est-il pas arrêté dans cet endroit éloigné de tout ? La vie de cette petite n’avait-elle pas de valeur à ces yeux ?

 

C’est la grand-mère qui nous accueillent. Elle nous parle un peu de ces 15 enfants et beaucoup de sa belle fille qui est décédée il y a quelques mois d’un cancer, laissant 4 jeunes enfants.

 

La pièce ou nous sommes reçus est en dur, faite de bric et de broc, des tentures et tapis récupérés. Il fait très chaud, tout les gamins sont autour de nous, pas tous vêtus et chaussés.

Nous retrouvons la petite qui s’était brûlée les mains en tombant sur le feu à Saint-Eienne, ces cicatrices sont encore fraîches.

Ils veulent que nous allions nous promener avec eux à la rivière. Nous aurions aimer leur faire plaisir tant le cadre de vie nous désole, mais cela nous paraît assez compliqué dans cet endroit isolé, en l’absence des parents.

Ces parents là, nous les connaissons bien. La famille a été intégrée à un projet local pendant plusieurs années, malheureusement sans issue positive. Cela est vraiment regrettable et pose la question des différents moyens à mettre en œuvre pour accompagner ces familles de façon perenne ?

Nous avions apporter des friandises que nous donnons à la grand-mère, histoire de les partager au mieux. Dès qu’elle a le dos tourner pour aller éplucher ses pommes de terre, c’est la bagarre… Elle est dépassée et nous laisse gérer. Elle semble aussi contrariée que nous n’ayons pas accepté de lui donner de l’argent.

 

Bientôt, c’est la voisine, qui elle aussi a eu de très nombreux enfants, qui demande a me voir. C’est une dame qui est aujourd’hui sous assistance respiratoire et qui se déplace très difficilement. Elle m’a demandé des nouvelles de plusieurs personnes des associations stéphanoises. Son mari dormait par terre, tellement il faisait chaud. Elle aussi m’a suppliée de lui donner de l’argent.

Une espèce d’angoisse lourde en la voyant physiquement aussi dégradée monte en moi, je ne sais pas que lui dire, elle veut que je m’assoie près d’elle. C’est une de ces petites filles qui me sort de ce malaise.

 

En effet, une de ses filles est de retour de France avec son bébé né à Paris, 3 jours avant leur départ. Elle est revenue avec son mari et ses enfants, sauf leur grande qui est restée à Paris, car elle est mariée. Je n’arrive pas à y croire, nous avions aidé la famille pour inscrire cette jeune en CM2 en Septembre dernier.

Cette maman, entourée d’enfants en bas âge qui pleurnichent et jouent avec ce qu’ils trouvent, commence à sortir des pochettes de son sac pour voir si je ne peux pas l’aider à faire les papiers du nouveau né, en Roumanie.

Elle ne sait pas lire, je traduis rapidement l’acte de naissance. Elle se rend compte alors que l’état civil Français s’est trompé dans les noms de famille. ( Dans le même ordre, lors le la naissance d’un de ces neveux à l’hôpital nord à Saint Priest, l’état civil avait enregistré le nom de l’oncle accompagnant le jeune papa et nom celui du père sur le certificat de naissance)

Cela interroge sur l’abandon total de ces familles à la fois sur le plan matériel, mais aussi scolaire, administratif, social… Quel avenir, quelles perspectives pour ces enfants ?

Avec Yves, nous sommes désemparés, écœurés de voir ces enfants que nous connaissons si bien dans un tel état. Nous ne savons pas que faire. Les adultes partis à l’hôpital risquent de revenir très tard, nous décidons de filer.

 

Ce jour, nous ne verrons donc pas la jeune femme dont la mère nous avait indiquée l’adresse, mais nous la verrons avec un autre regard, lorsqu’elle tendra la main avec ses enfants, parfois avec insistance à Saint Étienne, maintenant que nous avons aperçu la vie qu’elle semble condamnée à vivre.

 

La dernière voisine vient elle aussi nous demander de l’argent avant que nous ne partions. Le spectacle est tellement misérable et désolant que cette démarche nous paraît finalement quasi normale, de l’ordre de la survie.

Elle est timide, c’est une autre femme qui insiste. Elles m’expliquent que la famille ne peut pas venir en France car elle a la charge des deux sœurs handicapées de la dame. Elles sont assises au sol devant la maison, elle ne parlent pas et sont incontinentes.

Il n’y a pas l’eau courante, nous imaginons l’organisation pour la toilette, la lessive, le ménage...

La jeune femme a sept enfants dont un handicapé. Ils vivent tous dans une maison d’une seule pièce… Comment assumer une charge aussi importante et faire vivre tout ce petit monde dignement dans de pareilles conditions? Comment l’état Roumain peut il laisser vivre ainsi des familles entières ?

 

Nous arrivons à partir tant bien que mal…

 

 

BAITA PAI

 

 

Plus tard, nous passerons à Baita Pai, sur les conseils de la grand-mère. Elle vient de marier sa dernière fille de 13 ans ans avec le beau frère d’un de ses fils qui vit là bas. Il s’agit d’une famille que l’on connaît bien, qui semblait pourtant s’être stabilisée à Saint Etienne.

 

Là, c’est l’entonnement et la joie de nous voir ! Ils se demandent bien comment nous avons su où ils vivent et qu’ils étaient rentrés en Roumanie. Nous y restons assez longtemps, prenons le temps de jouer avec les enfants, d’échanger sur cette décision soudaine de revenir en Roumanie. Ils nous disent qu’ils sont trop vieux et risquent de mourir. Le retour de la famille semble définitif du fait de l’état de santé des parents, mais les garçons ont hâtent de pouvoir grandir et revenir à Saint Étienne. Ils y suivaient une scolarité régulière grâce à l’investissement particulier d’une équipe d’enseignants.

Mais bon, se sachant pas à l’avance de quoi demain sera fait, nous aurons peut être l’occasion de les revoir bientôt ?

 

Là bas aussi à Baita Pai, c’est perdu de chez perdu ! Le cadre est très beau.

C’est la montagne, les vaches et chevaux en liberté entre les immeubles…

Oui, des immeubles, ils sont anciens et délabrés. C’étaient les logements pour la mine abandonnée, toute proche. Il y a l’eau au robinet ; les familles ne la paie pas car elle provient d’une source.

Intriguée par cette histoire de mine et les anciennes structures imposantes abandonnées, j’ai regardé ensuite sur internet…. Et là, surprise ! Dans les années 1990, il y a eu un scandale en Roumanie car la mine de Baita Pai a été fermée, jugée trop dangereuse, « une bombe d’Uranium à ciel ouvert ».

Les familles sont-elles au courant ? Comment n’est-il pas dangereux de boire l’eau de la source au robinet?

 

 

PERSPECTIVES

 

 

Nous avons pu constater nettement que les familles les plus démunies en Roumanie sont également celles qui sont les plus en difficultés en France.

Il faut dire que pour résister ici à la vie sous des tentes, par tous les temps, dans des coins perdus, loin des écoles et de la vie sociale, il faut sûrement y avoir été bien « entraîné »!

La plupart des familles pensent revenir en France dès que possible, certaines sont d’ailleurs de retour, par nécessité.

 

Il semble évident que l’accompagnement social ici de ces familles doit être pour toutes, et pas seulement pour celles qui paraissent plus proche d’une insertion quelconque, ou les plus méritantes comme on l’entend trop souvent.

Cela paraît pourtant évident que se soient les personnes les plus en difficulté qui bénéficient de plus de soutien, mais la réalité est malheureusement bien différente.

(Pour ne citer qu’un exemple local, pour percevoir une allocation mensuelle « de type vital » destinée aux enfants, attribuée par le conseil départemental, les familles doivent avoir une domiciliation. L’organisation actuelle entre la mairie et la préfecture est si complexe que quasiment aucune ne parvient à être domiciliée, donc quasiment aucune ne perçoit cette aide. Plus on est exclu, moins on est aidé. Est-ce acceptable ? Comment inverser les choses pour les remettre à l’endroit ?)

 

Il est vrai que l’accompagnement de ces familles, totalement abandonnées dans leur pays, est parfois compliqué ici, avec des périodes d’incompréhension voire de découragement, mais il y a aussi de belles réussites et ce sont de véritables victoires pour les enfants.

En effet, si certains adultes, souvent les plus exclus dans leur pays, auront nécessairement besoin de plus de temps pour trouver leur place ici, leurs enfants non ! L’hébergement et l’école sont essentiels.

 

C’est une question d’humanité que de ne pas ignorer ces familles et d’essayer d’agir avec elles, comme avec les autres migrants, pour les aider à trouver le chemin d’un avenir meilleur.

 

 

 

ÉTONNANTE COÏNCIDENCE :

 

Toujours cette même grand-mère à Cosdeni, nous a indiqué qu’un couple d’amis de son fils, des français, venait de passé les voir…Nous les avons alors contactés.

Ils sont venus en Roumanie pour rencontrer les familles qu’ils ont accompagnés bénévolement.

Ils ont rédigé un intéressant témoignage sur leur visite. Nous constatons que nos ressentis sont proches.

Vous pouvez le consulter en ligne :

http://henricles.over-blog.com/2018/08/en-roumanie-chez-les-rroms.html

 

Adeline, avec Yves.

Septembre 2018

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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